terça-feira, 31 de janeiro de 2012

Plágio universitário: o pacto de não-leitura.

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Ce n'est pas trahir un secret que de constater que l'université moderne est, d'une manière générale et depuis longtemps, confrontée à un problème de sérieux - pour employer un terme prudent. Le scandale de Bayreuth (l'ex-ministre de la défense Karl-Theodor zu Guttenberg accusé de plagiat dans sa thèse de doctorat, en février 2011) a fait tout au plus émerger un segment minuscule d'une confusion dont nul, ou presque, ne peut évaluer de manière réaliste la dimension historique et systémique.
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On serait tenté de remonter jusqu'à la catastrophe originelle du XXe siècle et de mener des recherches sur le rôle des sciences nationalisées pendant la Grande Guerre. Ce que l'on découvrirait ainsi ? D'innombrables éléments témoignant de l'innocence perdue des facultés, dans les sciences de la nature tout autant que dans les sciences humaines. On pourrait à la rigueur concevoir les interventions philosophiques du Cercle de Vienne comme une tentative d'introduire une situation d'heure zéro qui concernerait aussi l'épistémologie, afin de soumettre tout discours scientifique futur à un programme hygiénique. De telles interventions ne portèrent guère de fruits sur le sol européen...

Il faudrait être très naïf pour supposer que les étudiants et les enseignants d'aujourd'hui ont cessé, en franchissant le seuil d'une université, d'être les enfants de leur époque. L'espace universitaire ne peut simplement s'immuniser contre cela. C'est l'une des subtilités du langage de l'enseignement supérieur allemand : il caractérise sans détour le récolement des prestations certifiées au fil de ses études comme une acquisition fictive - ce en quoi il faut reconnaître une indication précieuse sur le plan terminologique dans la mesure où l'on ne peut pas démontrer qu'il existe une différence essentielle entre une compétence authentique et une vaste simulation de la même compétence.

On pourrait l'illustrer par quelques exemples bien connus de faux médecins qui, pendant des années, ont effectué de manière quotidienne et avec succès les opérations les plus difficiles, jusqu'à ce qu'il s'avère, un jour, qu'ils n'étaient pas qualifiés pour le faire.

Pour appréhender la différence spécifique entre le plagiat universitaire et tous les autres cas de mépris de la "propriété intellectuelle", il faut tenir compte de la spécificité inimitable des procédures académiques. Vu de l'extérieur, le monde universitaire fait l'effet d'un biotope spécialisé dans la production de "textes" le plus souvent bizarres et totalement éloignés du populaire. Ils vont des rapports de séminaire et devoirs semestriels aux thèses et mémoires d'habilitation, en passant par les mémoires de diplôme ou de maîtrise et aux devoirs de partiels, sans parler des expertises, des projets de recherches, des mémorandums, des projets de structure et de développement, etc. : autant de végétaux textuels qui s'épanouissent exclusivement dans le microclimat de l'Academia - comparables à ces plantes rampantes des hautes Alpes qui survivent à des altitudes où les arbres ne poussent plus - et qui, en règle générale, ne supportent pas une transplantation dans les plaines plates et dégagées de la vie éditoriale.

Le plagiat universitaire se déroule par conséquent le plus souvent dans des conditions où les motifs qui interviennent d'habitude dans le non-respect de la propriété intellectuelle, le fait souvent évoqué de se parer avec les plumes des autres, ne peuvent guère jouer de rôle. Alors qu'en terrain dégagé les plumes d'autrui sont censées améliorer l'attractivité de celui qui les porte et augmenter sa "fitness érotique", pour employer le jargon des biologistes, les plumes des autres, en milieu universitaire, servent plutôt à se camoufler et à plonger dans l'ordinaire. Elles aident le porteur des plumes à passer inaperçu dans le flux régulier des masses de textes.

Le philosophe Michel Foucault a résumé cette situation dès le début des années 1970 en introduisant le mot "discours" dans l'autodescription des productions textuelles universitaires. Ce qu'il nomme le "discours" n'est que le texte sans auteur, le discours spécialisé comme institution. Cette interprétation des routines discursives universitaires, et, plus généralement, institutionnelles, nous ouvre la voie non tibétaine vers le principe du moulin à prières. Celui qui ne veut pas parler de discours ferait donc mieux de ne rien dire à propos des plagiats.

La dissolution du plagiat dans le discours ne suffit pas à comprendre de manière exhaustive la singularité du plagiat universitaire. Dans ce cas précis intervient en supplément un facteur tout à fait idiosyncratique pour la compréhension duquel le mieux serait d'avoir recours à la recherche littéraire. Avec son livre L'Acte de lecture : théorie de l'effet esthétique (éd. Mardaga, 1985) en 1972, Wolfgang Iser, l'éminent représentant d'une école de Constance devenue historique, s'il n'a pas révolutionné sa discipline et les humanités en général, les a du moins fait avancer d'un grand en démontrant que l'on peut faire apparaître dans chaque texte une complicité intime entre l'auteur et le lecteur hypothétique - une liaison activée par la lecture.

Lire signifie par conséquent éveiller à la vie des structures d'appel inhérentes au texte et s'adonner au jeu de l'interpellation, de l'interprétation anticipée, de la tromperie, du refus et de la récupération. Tout texte élaboré constitue une entité composée de signes guidant la réception, que le lecteur met en scène de manière à la fois volontaire et involontaire, pour autant qu'il lit réellement.

Dans la perspective de la situation universitaire, les analyses subtiles des esthéticiens de la réception font l'effet de réminiscences d'un très lointain Age d'or de la lecture où chaque texte était presque encore un "billet doux". Aucun universitaire ne le niera : il est temps de compléter la théorie du lecteur implicite par celle du non-lecteur implicite. On devrait avoir à peu près rendu compte de la situation en partant de l'idée qu'entre 98 % et 99 % de toutes les productions de textes issues de l'université sont rédigées dans l'attente, si justifiée ou injustifiée soit-elle, d'une non-lecture partielle ou totale de ces textes. Il serait illusoire de croire que cela pourrait rester sans effet sur l'éthique de l'auteur.

Pour les membres d'une culture qui, en toute chose, leur apprend à suivre et à ne pas suivre la règle, il en découle une conséquence obligatoire, la nécessité de donner au non-lecteur ce qui lui revient. On s'adresse paradoxalement au non-lecteur implicite en lui adressant des gestes de rejet, et ce non-lecteur est inhérent au texte, en tant que celui qui, de toute façon, n'ira pas y voir.

Lorsqu'on écrit sans espoir de réception, on a en outre et malgré soi tendance à intégrer dans sa propre production des passages qui n'en font pas partie et sont prédestinés à alimenter la variante académique de la non-lecture dans la mesure où ils ont été vérifiés à l'avance par des lectures qui ont peut-être déjà eu lieu ailleurs. Le royaume des ombres de l'université génère ainsi un monde textuel de deuxième ordre dans lequel des cadets réellement non lus maintiennent dans le circuit des aînés virtuellement non lus.

Dans ce système, la lecture réelle inattendue mène à la catastrophe. L'intéressant, ici, est le fait que ce que l'on appelle la lecture réelle ne peut avoir lieu, compte tenu des monstrueuses avalanches que constituent les productions universitaires écrites. Aujourd'hui, seules les machines à lire digitales et les programmes de recherche spécialisés sont en mesure de tenir le rôle de délégués du lecteur authentique et d'entrer en conversation ou en non-conversation avec un texte. Le lecteur humain - appelons-le le professeur - est en revanche défaillant. C'est aussi et précisément en tant qu'homme de l'université que le spécialiste est depuis longtemps condamné à être plus un non-lecteur qu'un lecteur.

La conséquence pratique de tout cela ne peut être que la réduction des incitations systémiques à produire du texte sur le mode de l'imposture. La meilleure manière d'y parvenir est de rappeler avec insistance aux auteurs pratiquement non lus des textes aujourd'hui et demain immanents à l'université l'existence des gardiens digitaux des bonnes moeurs qui, pratiquant la lecture automatique, décèlent la différence entre plagiats et citations.

On commettrait une faute en légalisant les citations non spécifiées, comme le réclament certains tenants du romantisme de la piraterie universitaire. La culture de la citation est la dernière ligne sur laquelle l'université défend son identité. Même si elle peut être mise au défi par une nouvelle vague de subjectivités d'imposteur, qui se drapent dans le digital, l'ironie et l'esprit de piraterie ; aux nouveaux joueurs qui font leurs plaisanteries en jouant sur la règle du minimum de travail sérieux, il faut faire comprendre où se situe la limite. La culture avance sur ces petites pattes que sont les guillemets. Le guillemet, c'est la politesse du pirate.

Nous devons menacer jusqu'au bout les textes écrits pour le non-lecteur implicite d'être exposés à la lecture réelle, quitte à courir le risque que les auteurs-pirates d'aujourd'hui nous tiennent pour les imposteurs d'hier qui brandissent la menace de quelque chose dont ils ne peuvent assurer la mise en oeuvre.

On devrait apposer à l'entrée de toutes les facultés l'écriteau Cave lectorem ! - pour les non-latinistes : "Attention, lecteur méchant !". Avec cette mise en garde pourrait peut-être commencer ce que les bien intentionnés appellent le travail à une nouvelle éthique du comportement scientifique.

Traduit de l'allemand par Olivier Mannoni

Le Monde




Peter Sloterdijk




































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